Dernière session en terre lyonnaise pour «Au Field de la Nuit»

Dernière session en terre lyonnaise pour «Au Field de la Nuit»

La deuxième  et dernière partie de l’émission «Au Field de la Nuit», tournée au Lycée du Parc, sera diffusée dans la nuit de lundi à mardi à 1h. Après Anne Barrère, productrice de l’émission, c’est au tour de Michel Field de répondre aux questions de Lyon Mag. L’homme de culture, lyonnais d’adoption, nous confie le plaisir qu’il a eu à tourner avec les «khâgneux» du Parc, et sa joie chaque fois renouvelée de revenir entre Saône et Rhône. 

Lyon Mag : Pourquoi avoir fait le choix de lycéens lyonnais ?
Michel Field :
Les lycées sont partie prenante de l’émission. Chaque semaine, ils viennent dans les studios. Ils ont  préparé l’émission, ont lu les livres. Ils interrogent les auteurs, les dramaturges ou les metteurs en scène présents. C’est vrai que pour changer, nous essayons plusieurs fois dans l’année de délocaliser, et d’aller dans un lycée. Nous l’avons fait à Lille, à Alfortville. Lyon était notre troisième étape. C’est une façon de changer un peu d’air. C’est aussi une manière de valoriser la présence des lycéens dans l’émission, qui en est la force identitaire. Pour des raisons personnelles, je connais bien Lyon. Cela m’a beaucoup plu et amusé de me retrouver au lycée du Parc.

Le lycée du Parc est très connu pour ses classes préparatoires. Avez-vous choisi le lieu aussi pour cela ?
Nous faisons attention en général à ne pas aller à la facilité. Si nous allions à chaque fois dans les lycées de centre-ville, classiques avec des «prépas», nous aurions évidemment des lycéens très dans le langage et dans la culture. Ce n’est pas du tout notre choix. A Lille, nous étions dans un lycée de périphérie, avec des sections techniques. C’est vrai que c’est plus difficile, les élèves ont eu plus de mal à lire les livres. Un lycéen nous a même confié que c’était la première fois qu’il réussissait à lire un livre en entier. Cette expérience est assez bouleversante. On gagne en intensité et en authenticité ce que l’on perd peut être en facilité. On en va pas non plus excommunier les lycées classiques ou prestigieux sous «prétexte quee ! On s’est fait plaisir à Lyon. Nous avons eu plein de «khâgneux» qui ont posé des questions...très «khâgneuses» souvent ! Moi qui suis un ancien professeur, qui ai fait des «prépas» littéraire, qui a eu des étudiants en khâgne et qui a préparé à l’agrégation, cela m’a rappelé ces années là.

Avec ce choix éditorial pour l’émission, vous êtes au antipode de ce que la télévision a bien jusque là voulu nous proposer en émissions littéraires ?

C’était l’idée d’Anne Barrère (la productrice de l’émission - NDLR). Je n’étais pas vraiment convaincu au départ que cela pourrait marcher sur TF1. La preuve est que oui. Malgré, ou grâce à notre horaire tardif et décalé, nous faisons des scores qui satisfont la chaîne. Je suis sûr que la présence d’une parole spontanée, qui peut être maladroite, agaçante quelques fois quand elle est un peu trop assurée de la part de très jeunes gens de dix-neuf ou vingt ans, mais qui est toujours très authentique, casse le ronron de l’animateur, de ses chroniqueurs et de ses invités. nous sommes tous  à la recherche d’un renouvellement des modules d’émissions culturelles ou littéraires. Nous avons trouvé quelque chose avec cette formule.

Vous, l’ancien professeur, devez forcément avoir une tendresse particulière pour ces lycéens. Comment le retranscrivez-vous ?
J’ai été quinze ans enseignant. J’ai adoré ce métier. je l’ai peut être fait à une époque ou il était moins difficile que ce qu’il est devenu. Je me sens extrêmement à l’aise avec les étudiants. ce sont des années de vrais bons souvenirs que j’ai. Quand je me retrouve dans un lycée, je sais que je suis le mec qui vient faire son émission de télé, mais tous les codes du lieu me reviennent : les salles des profs, les consignes... Je ne crois pas être paternaliste, je suis plutôt un vieux grand frère. Les khâgneux, avec leur propension à un petit peu s’écouter parler, à vouloir faire les malins, j’ai connu cela plusieurs années. j’ai un tendresse particulière pour eux. sans compter que je sais aussi la somme de boulot qu’ils accumulent ! Le journalisme est comme l’enseignement : ce sont deux métiers qui nous aident à ne pas vieillir idiots. Dans l’un et l’autre cas, la confrontation permanente avec la jeunesse, avec ce qui surgit dans la société, oblige à une gymnastique intellectuelle qui offre plus de chances de ne pas finir vieux con.

Quel est le retour des lycées qui ont participé à l’émission ?

En général, ils sont très content d’avoir participé à cette aventure là. Je ne sais pas si cela modifie en profondeur leur représentation du monde, mais ils aiment rencontrer les auteurs. A ce titre, les séances de dédicace et des discussions avec les auteurs s’éternisent souvent à la fin du tournage. Aussi, le côté «télé» les amuse beaucoup. La fabrication d’une émission, dont ils sont  les co-acteurs, est pour eux une formidable découverte.

Pensez-vous que la lecture séduise encore les jeunes ?

J’ai toujours détesté l’argumentaire type : le niveau baisse, la culture s’en va... Quand j’étais enseignant, je me servais de texte d’enseignants du début du XXème siècle et de la fin du XIXème siècle, qui tenait déjà ce refrain. Chaque génération a le sentiment que son patrimoine culturel n’est pas transmis par la nouvelle.Je pense que cela vient du fait de vieillir : on voit ce qui se perd dans la transmission culturelle, mais on ne voit pas ce qui se gagne. C’est un jeu perpétuel de transformation. Aujourd’hui, il est vrai que l’orthographe est malmenée, mais c’est normal : le texto a remplacé la carte postale. L’orthodoxie orthographique en souffre. Internet, à l’inverse, a remis tout une génération à l’écriture. Autant la question pouvait se poser quand les gosses s’abrutissaient devant les postes de télé. mais aujourd’hui, toutes les nouvelles technologies font appel à l’écriture. C’est un autre type d’écriture, c’est un langage qui s’invente, que je trouve extrêmement créatif. la part dans une génération de ceux qui iront vers la culture classique, vers la littérature, reste absolument inchangée.

Vous évoquiez le bonheur de retrouver Lyon et vos souvenirs lyonnais. Quels sont-ils ces souvenirs ?
Ils sont indirects. Ma compagne, et la mère de mes deux derniers enfants est lyonnaise. cela fait plusieurs années que Lyon est une destination privilégiée pour moi, au mois une fois tous les deux mois. C’est une ville que j’ai arpenté, que j’ai découvert à pied. Au moment de la tenue du G7, je faisais la quotidienne d’Europe 1 à l’époque. Je m’étais installé dix jours à Lyon. j’avais directement compris ce que des amis lyonnais comme Bertrand Tavernier pouvait m’avoir dit. C’est une des plus belles villes du monde. Je me sens chez moi à Lyon. Il faut toujours franchir la réserve légendaire des lyonnais, mais une fois franchie, on y est chez soi.

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