L’Europe : les coulisses de l’amour

L’Europe : les coulisses de l’amour
Romain Meltz - DR

Samedi 3 décembre, 9h34.

Thierry Philip à l'inauguration de la barge - LyonMag
Thierry Philip à l'inauguration de la barge - LyonMag

Les derniers fils brumeux d’une fumée de fleuve s’étirent le long du Quai de Saône, en contrebas du bâtiment des Voies Navigable de France. La barge déchèterie attend son inauguration. La veille, j’ai fait 3 minutes de ma chronique sur RCF-Lyon à propos de ce nouveau type de déchèterie. Parce que ma chronique s’appelle "l’Europe au coin d’la rue" et que l’argent qui a rendu possible cette péniche qui emporte vos vieux matelas sur la Saône, c’est d’abord de l’argent européen.

Sur le Quai, tous les partenaires du projet (Suez, VNF, CFT, Ademe, Grand Lyon, Région) sont là. Je reconnais Thierry Philip, Vice-Président chargé du bien-être au Grand Lyon. Il me serre la main. A brûle pourpoint je lui demande pourquoi, non mais pourquoi, on ne voit nulle part la présence de représentants de l’Union Européenne à cette inauguration, alors que c’est bien l’Europe qui devrait être célébrée pour avoir rendu possible cette solution innovante de gestion des déchets.

A froid, j’en rougis un peu. Qui suis-je - vermisseau fainéant à traitement de textes - pour me permettre d’agresser un homme comme Thierry Philip - pédiatre qui a consacré sa vie professionnelle à lutter contre le cancer ? Est-ce sa faute s’il n’y a pas de représentants de la Commission Européenne sur ce quai de Saône lyonnais ? Et est-ce sa faute s’il ne connait pas le détail du financement de la barge déchèterie ? Isabelle Fontany – du service propreté du Grand Lyon qui a suivi les étapes du projet – efficace et précise – intervient et me détaille les apports de fonds : 400 000 euros du Grand Lyon, et 700 000 euros de l’Europe. Je demande encore : pourquoi la Région n’a rien mis ? Est-ce le changement de majorité de décembre 2015 ? Elle répond toujours et m’indique les montants de la Région.

Et moi je suis toujours rageux que l’Europe ne soit pas remerciée à la hauteur de son aide financière. Je m’en vais en boudant avant que le préfet Delpuech arrive pour l’inauguration.

Mais au fait, d’où me vient ce titre de preux chevalier de la cause européenne ? Au nom de quoi devrais-je prendre personnellement le fait que l’Europe soit oubliée à cette inauguration ? Qui m’a demandé de défendre ses intérêts ? Suis-je payé pour ça ? Est-ce de l’amour (de la philopatrie -amour de la cité chez les Romains) L’Europe est-elle ma Cité ? Mmmm.

Je me rappelle très bien comment ma philopatrie à tendance européenne est née. Elise Moreau – journaliste à RCF Lyon -  m’a appelé dans la journée du 22 mars 2016 pour que je vienne commenter la fin de la période des 100 jours de Laurent Wauquiez (je glisse sur cette question, je suis déjà au bord des larmes). A cette époque je travaille encore à Lyon 1ère où moi aussi j’interviewais des gens. J’ai un invité politique par semaine. Par exemple, Thierry Philip est venu deux fois. Ce sont des étudiants de l’Université de Lyon 2 qui posent les questions, moi je gère l’ensemble.

Mais l’émission est déjà vieille de 6 ans et Gérald Bouchon (qui dirige Lyon 1ère) ne s’intéresse plus à moi. Paul Satis (de France 3) a débarqué deux ans plus tôt pour faire une interview politique quotidienne. Pour Gérald Bouchon, Paul Satis on ne peut pas faire mieux, je suis passé de mode à Lyon 1ère. Et je suis là, ce 22 mars 2016, à RCF-Lyon, invité dans le 18-19h d’Elise Moreau pour parler de Laurent Wauquiez. Et je suis transporté. Les studios sont sublimes, situés dans une partie de l’ancienne prison Saint Paul superbement rénovée. La vue est incroyable. Et à l’intérieur de RCF… Le tandem Elise Moreau/Marie Leynaud m’apparait comme Google.inc doit apparaitre à un jeune ingénieur en informatique. Chaque phrase de l’une parait réglée au millimètre pour que l’autre s’y accroche, la parole roule comme une évidence, un torrent de mots qui emportent comme une rivière de printemps des informations, des reportages, des voyages dans la région.

Je voudrais tellement faire partie de l’équipe moi aussi. Comment ? J’entrevois un trou de souris pour me faufiler : je sais qu’Alain Malégari faisait des chroniques sur l’Europe à RCF-Lyon, et qu’il s’est arrêté. Peut-être pourrais-je proposer de prendre sa place ?

Quelques semaines plus tard Philippe Lansac – directeur de RCF-Lyon à l’époque – me dit oui. Le 2 septembre je commence. Mais l’Europe ? La science politique d’accord, mais je ne suis pas du tout un spécialiste européen. Willy Beauvallet, Dorota Dakowska eux oui, bien sûr. Je connais quoi de l’Europe ? Je connais (un peu) Sylvie Guillaume, députée européenne et lyonnaise. Je me dis que je vais en profiter pour être tout le temps fourré dans ses jupes, qu’elle m’aidera à trouver des idées d’émissions. En fait, elle a mille autres choses à faire, et elle sacrifie son assistante parlementaire, Lucie, que j’accable de questions chaque semaine. Je cherche tout le temps un nouveau sujet sur l’Europe. Certains sont triple A, loufoques et vraiment quotidiens : quelles sont les normes européennes de sécurité des projecteurs de piscines ? A quoi sert la Nuit européenne des chercheurs ? D’autres sont plus tirés par les cheveux : Lyon va-t-elle récupérer l’agence du médicament (actuellement à Londres) après le Brexit ?

Bref, de chronique en chronique, je suis devenu européen. Je vois ce que l’Europe fait pour notre vie quotidienne. Et je SAIS que cette barge déchèterie innovante n’existerait tout simplement pas sans l’argent européen. Je hurle sur Facebook, je poke Sylvie Guillaume qui m’envoie bouler gentiment "mais oui, mais oui Romain. C’est bien de parler d’Europe, du calme".

Je me calme. Pas longtemps. Jusqu’au lendemain, dimanche 3 décembre où je lis l’article du Progrès. Un petit encart rappelle qui finance quoi dans cette barge. Et je lis quoi ? La Région : 800 000 euros.

800 000 euros !! Quel culot ! C’est l’Union Européenne qui a filé 700 000 à la Région Rhône Alpes qui a rajouté un peu de son argent pour arriver à ce montant de 800 000.

Je baisse les bras. Tout le monde s’en fiche de ce que l’Europe fait pour notre vie quotidienne. Tout le monde est avec l’Europe comme la méchante belle-mère était avec Cendrillon qui se démenait pourtant pour que le quotidien de toute la famille soit plus agréable.

 Mais pas moi : je l’aime en coulisse.

Romain Meltz

@lemediapol

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