Un train d’enfer

Un train d’enfer
Romain Meltz - DR

Laurent Wauquiez est là.

J’arrive en retard, il est dos à la lumière, il s’en fiche d’être bien éclairé, personne n’y a même pensé. Dos  à une vitre qui le sépare de la place Béraudier, dans ce café de la Part-Dieu, le candidat UMP est en contrejour total. On ne voit pas ses traits, juste sa silhouette.  Pas de photos possibles.
Et il y a un problème de son aussi. Geoffrey Mercier, du Progrès, s’est mis trop loin de Wauquiez.  Le bar est presque vide mais les serveurs font un barouf d’enfer, j’entends  à peine. Il parle transports ferrés.  Geoffrey Mercier doit capter  un mot sur dix. Il essaie de rester calme. Il y a Léa Delpont de l’Express et Catherine Lagrange du Point. Je tends l’oreille pour comprendre.

Il est 11h35. Wauquiez a son train à 12h08, on va faire ça concentré.  Wauquiez est obsédé par le classement UFC-Que Choisir des régions françaises en matière de transports voyageurs par rail. L’Alsace Lorraine est première, nous quasi-derniers. Wauquiez, qui a la fierté de la Région Rhônalpine (il dit comme ça : la région rhônalpine) chevillée au corps, est vexé comme tout. Il devrait être content : l’Alsace est la seule région à droite. Mais non. Ça ne lui va pas. 15% de trains en retard en Rhône-Alpes c’est la honte.
Il n’est plus tout à fait sûr du chiffre : "J’essaie de vous retrouver les chiffres de UFC", promet-il en fouillant avec nervosité ses feuilles. Ça ne donne rien. Il renonce : "Sinon vous entrez ‘taux de retard Que Choisir’ et vous avez tout", conclut-il à l’intention de Daniel Dubois (Surf TV). Il n’y a pas que ça qui énerve Wauquiez : pourquoi l’Ile-de-France aurait-elle le droit, dans ses TER, à une police nationale dédiée à la sécurité ?
"J’en ai assez de ce jacobinisme, tempête Wauquiez. Nous en avons assez en Rhône Alpes d’être la deuxième roue du carrosse".

Bref, au final, la situation est "apocalyptique". "Sur le premier tiers de Lyon Grenoble, si vous marchez à pied, vous allez plus vite que le train", assure Wauquiez. Tout ça parce que Queyranne a englouti bêtement des sommes considérables dans des investissements inutiles. Alors que la solution était toute simple. Il fallait créer des voies de délestement pour permettre aux trains en panne de ne pas bloquer tous les autres. Avec cette bonne politique Wauquiez se promet de "désengorger le nœud de la Part Dieu". C’est l’expression qu’il utilise. Je vous jure que c’est vrai. Il l’a répété deux fois. Les gars de Tonic Radio ont tout enregistré, si vous ne me croyez pas.

Pour Wauquiez ça ne veut sans doute pas dire grand-chose. Mais pour moi ça veut dire beaucoup. Car ça fait trois semaines que j’essaye d’écrire un article sur la question. J’ai vu Thierry Grosbois de Gare et Connexion (SNCF mobilités). J’ai vu Maurice Debrand (de SNCF Réseau). J’ai eu Michel Le Faou au téléphone (le VP Grand Lyon à l’Urbanisme) et j’ai échangé des SMS avec Ludovic Boyron, directeur de la SPL Lyon Part-Dieu.
Grosso modo les enjeux cachés m’échappent encore  largement. Mais il y a une chose que je sais, c’est que si vous dites "Je veux désengorger le nœud de la Part Dieu",  il y a un loup. Pour une raison bien simple : certes la gare de la Part-Dieu a beaucoup de monde à accueillir sur ses 15 000 m². Mais celui qui sature vraiment c’est le Nœud Ferroviaire Lyonnais (c’est-à-dire les voies qui viennent de partout en Europe qui se concentrent à Lyon avant de repartir). Les deux problèmes ne sont pas liés. Wauquiez les confond, il va trop vite, il ne comprend pas. A moins que je me trompe. A un moment j’ai eu un doute,  il a dit quelque chose de très sensé Wauquiez. Il a dit : "L’amélioration du trafic ça peut être quelque chose de très simple. Juste changer un feu sur une ligne, un logiciel qui suit les trains…"
Maurice Debrand (SNCF Réseau) m’a expliqué la même chose. Encore actuellement m’a-t-il expliqué (mais les erreurs éventuelles sont de mon fait), un cheminot qui doit aller garer un train aux Brotteaux depuis la gare de la Part-Dieu attend son ordre écrit du poste d’exploitation.  Et c’est seulement quand il a reçu l’ordre écrit, avec les instructions de trajet, que le cheminot peut se mettre en route pour remiser son train. Demain, avec les investissements du plan de fluidification du Nœud Ferroviaire Lyonnais, l’informatique permettra d’afficher directement sur le quai les instructions que le cheminot n’aura qu’à suivre pour garer son train. Beaucoup plus fluide et rapide.

Pour l’instant Wauquiez ne veut pas rater le sien : "Les trains partent à l’heure. C’est pour l’arrivée que je me fais du souci", rigole-t-il. Il se lève et va partir. Il coupe son élan et accepte de faire un enregistrement rapide avec Mickael Chailloux de Lyon 1ère. Il sort du contrejour. Je lui demande qui dirigera sa campagne. Je vois dans la façon avec laquelle il me répond, que comme tous les politiques que je connais (pas beaucoup) il aime bien les gens. Mais ça ne suffit pas. Il est trop pressé en amour, Wauquiez.

Romain Meltz
@lemediapol

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1 commentaire
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Samuel le 05/06/2015 à 17:21

Excellent !

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