Police municipale : le bide du Taser

Police municipale : le bide du Taser

Aucune ville de l’agglomération ne devrait équiper sa police municipale de Taser. Une arme à impulsions électriques pourtant déjà utilisée par 82 policiers nationaux et gendarmes dans l’agglomération.

20 communes interrogées, 19 communes contre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les maires de l’agglomération ne sont pas très chauds pour équiper leurs policiers municipaux de Taser, les fameux pistolets à impulsions électriques. D’ailleurs, la préfecture n’a reçu aucune demande d’habilitation. Alors que depuis le 22 septembre, la police municipales a le droit d’utiliser cette arme très critiquée.

“La police municipale est une police de proximité avec des missions de prévention, de dissuasion et d’information”; explique Roland Crimier, le maire Modem de Saint-Genis-Laval. C’est également “hors de question” pour Alain Darlay, le maire PS de Chassieu; qui insiste sur la notion “de service à la population”. Alors que pour le maire socialiste de Villeurbanne, Jean-Paul Bret, “le recul vis-à-vis du Taser est insuffisant”. Même diagnostic pour Maurice Charrier, maire divers gauche de Vaulx-en-Velin; qui insiste même sur les dangers de cette arme.
A droite, pas plus de succès : Philippe Cochet, le maire UMP de Caluire, préfère équiper sa police de Tonfa, une sorte de matraque. Alors que pour Michel Forissier, le maire de Meyzieu, l’urgence c’est d’acheter un radar pour contrôler la vitesse des voitures ! Il faut dire que sa police municipale a utilisé une arme à feu trois fois en 30 ans ! Et le secrétaire départemental de l’UMP d’ajouter : “Le Taser, c’est une démarche électoraliste, comme la vidéosurveillance.” Alors qu’Yves-Marie Uhlrich, maire Nouveau centre d’Ecully, avance un argument plus orignal. Cet adepte de tir sportif, qui a notamment un 357 Magnum, souligne “le danger que représentent les armes”. Du coup, il ne veut pas être “responsable de policiers qui pourraient un jour faire une erreur de jugement”.

Un gang neutralisé
En fait, parmi les 20 principales communes de l’agglomération, seul le maire UMP de Sainte-Foy pourrait envisager d’utiliser le Taser. “La municipalité, qui examine en ce début de mandat l’équipement de la police, n’exclut aucune possibilité pour l’armement de ses agents...” explique Michel Chapas.
Pourtant 82 Taser sont déjà en service à Lyon dans la police nationale ou la gendarmerie. Contre 4 000 en France. Surtout dans la banlieue parisienne. Ce qui souligne que le Taser a encore des difficultés à s’imposer dans l’agglomération.

A Lyon, il équipe, depuis un an, 39 policiers, essentiellement dans les unités spéciales : brigade anticriminalité, surveillance voie publique... Alors que 185 fonctionnaires ont déjà été formés. Mais cette arme n’a été utilisée que 35 fois l’année dernière et 32 fois cette année. Surtout pour des interventions délicates, comme la maîtrise d’un suicidaire ou d’un alcoolique violent. “Une alternative très utile quand on sait que les policiers sont de plus en plus agressés par des déséquilibrées à Lyon”, explique un syndicaliste de la police qui milite pour la généralisation de cette arme à l’ensemble des policiers. Une arme qui coûte cher, car le Taser vaut quand même 1 500 euros, ce qui est tout de même moins cher qu’un pistolet type Sig-Sauer qui équipe la police et qui coûte 2 000 euros environ.

Mais c’est finalement la gendarmerie qui est la mieux équipée en Taser : 43 pistolets électriques dans le département depuis 2006, alors que 445 militaires sont formés à son utilisation, essentiellement dans les zones périurbaines sensibles. Et s’ils n’ont fait feu que 12 fois en 2007, ils l’ont déjà utilisé deux fois plus cette année. Avec des interventions parfois remarquées. Comme dans l’affaire de la Souris verte où les gendarmes ont réussi, en 2006, à maîtriser, grâce à un Taser, un gang spécialisé dans le braquage de convoyeurs de fonds et équipé d’un pistolet-mitrailleur !
Au final, cette arme aurait d’ailleurs permis d’utiliser moins souvent des armes classiques tout en réduisant le nombre de gendarmes ou de suspects blessés au cours d’interpellations. “En plus, cette arme est de toute façon dissuasive, même quand on ne l’utilise pas”, conclut le lieutenant Marie Roquet de la gendarmerie du Rhône, qui n’annonce pas pour autant la mise en service de nouveaux Taser.

Mais les résistances sont encore assez fortes. Même parmi certains syndicats de policiers, qui dénoncent le manque de formation des fonctionnaires, faute de moyens. D’ailleurs la formation est souvent limitée à deux jours et trois tirs. Une vidéo fait un buzz en ce moment sur le Net. Des images tournées par un amateur au cours d’une manifestation d’extrême gauche où on voit Virginie, une jeune Lyonnaise, victime de coups de Taser alors qu’elle est à terre, place des Terreaux.

“Au-delà du débat sur sa dangerosité qui n’est pas tranché, on peut craindre que cette arme soit utilisée comme un moyen de neutralisation, de rétorsion ou d’intimidation sur des personnes ne présentant pas de danger immédiat...” explique Jacques Dumortier, militant de la Ligue des droits de l’homme à Lyon, en rappelant que le Comité de l’ONU contre la torture a qualifié le pistolet à impulsions électriques de “traitement inhumain et dégradant” équivalant à une “forme de torture”. Et de conclure que ce n’est pas avec ce type de moyens que la police va “retisser des liens de confiance avec les citoyens”.

Maud Guillot
m.guillot@lyonmag.com



290 morts

Le Taser est un pistolet qui libère une décharge de 50 000 volts. Ce qui permet de bloquer le système nerveux pendant quelques secondes, donc de maîtriser le suspect, qui s’effondre presque systématiquement. D’où l’importance de ne pas s’en servir si la cible se trouve en haut d’un escalier, au volant d’une voiture... Utilisable au contact direct de la personne, le Taser qui pèse moins de 200 g et qui se porte à la ceinture, peut également être utilisé jusqu’à 10 mètres grâce à un harpon et à des diodes. Mais cette arme qui ne peut être utilisée qu’en cas de légitime défense n’est pas mortelle selon son fabricant. D’ailleurs, aucun décès n’a officiellement été recensé en France. Une version que conteste Amnesty international qui annonce, dans son rapport annuel, 290 morts directement ou indirectement imputables au Taser aux Etats-Unis depuis 2001. Et l’usage de cette arme est désormais déconseillé en France sur les cardiaq

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