Elites lyonnaises ouvrez-vous!

Et je suis sûr que nous sommes, par delà les clichés sempiternels que la presse parisienne balance sur nous, nombreux à être dans ce chemin de volonté commune. Entre articles sur les quenelles de brochets moelleuses et  les Fleurie goûtus (et aussi appréciables que soient ces deux dons de Dieu et des hommes), les journalistes et décideurs qui zooment sur notre ville découvrent un endroit un peu chauvin et beaucoup tourné vers son avenir. Le récent dossier de la Lyon French Tech déposé par le Grand Lyon avec le soutien de nombreux acteurs du numérique atteste de ce vouloir collectif.

Pourtant notre région lyonnaise souffre d'un mal assez profond :
un certain élitisme pratiqué en cercles fermés.

Le phénomène n'est pas nouveau. Les lecteurs du classique des classiques 'Calixte ou L'introduction à la vie lyonnaise'  voyaient déjà comment dans les années 20 ou 30 du vingtième siècle, il en fallait déjà des codes précis, du diplôme bien déterminé et des professions clairement délimitées pour savoir si oui ou non l'on fait partie de la bonne, de la moins bonne ou de la tout simplement pas bonne société.  Sans compter parfois dans certains milieux conservateurs encore, même si la tendance va en baissant, le fait d'être ou non de certaine famille. Comme si on avait du mérite à être né, comme si il y avait lettre de cachet légitime délivrée au berceau sans compte des efforts personnels.

On pourrait penser qu'avec la diversification des activités humaines, les reconnaissances sociales se diversifieraient et que d'autres voies seraient davantage mises en avant à l'heure du numérique, de la culture démocratisée et du monde à notre portée. Mais les scathophaga furcata habituées des buffets pour se faire bien voir des puissants ne s'y trompent pas : elles ont toujours les mêmes cibles... Et pourtant.

Les pharmaciens de tous bocaux,  les médecins de tous hôpitaux, les notaires de tous baux, les avocats de tous tribunaux, les promoteurs de tous bâtiments nouveaux sont essentiels à notre ville et même vitaux. Mais il existe aussi d'autres réalités et mérites. D'autant que ces élites ont les mêmes loisirs, les mêmes lieux de sociabilité, les mêmes modes. Les mêmes yeux pour calculer qui est à la table d'honneur. Qui en est près. Qui en est loin. Quel ennui !

Notre cité gagnerait à ce niveau à perdre un peu en fermeture, cette fermeture qui a eu certes parfois des mérites : en quittant le milieu des notables locaux, le célèbre lyonnais Jean-Baptiste Descroix-Vernier a créé des éléments d'un nouveau monde. Mais tout de même.

Certes il serait injuste de blâmer quelques professions ou générations : le fonctionnement du pourtant excellent festival des Nuits Sonores a pu sans doute parfois sur cette édition penser qu'il n'était pas besoin d'être dans la notabilité traditionnelle pour reproduire ces schémas.

De même qu'il ne faudrait pas oublier dans ce regret le monde politique : à droite et à gauche, c'est très souvent entre quelques dizaines de mains qu'on concentre sans doute trop de choses. Que la scène politique locale ressemble trop souvent à une cour très hiérarchisée avec ses ducs plus importants que les comtes eux-mêmes de bien plus grand rang que les simples chevaliers. Qu'il soit légitime pour les Maires élus de l'agglomération lyonnaise de vouloir être en capacité de gouverner au mieux c'est logique. Mais il n'est pas toujours judicieux que nombre de leurs suivants reçoivent trop sur eux.
Elites lyonnaises, ouvrez vous, cessez de vous congratuler dans les mêmes salons du soi , nous avons un monde à gagner !
 
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Romain Blachier