Le maire de Givors visé par une enquête pour prise illégale d’intérêts, faux et usage de faux

Le maire de Givors visé par une enquête pour prise illégale d’intérêts, faux et usage de faux
Martial Passi - LyonMag

Martial Passi, maire PCF de Givors et membre de l’exécutif de Gérard Collomb à la Métropole de Lyon en tant que vice-président en charge des déplacements, est sous la menace d’une enquête de la brigade financière de la police judiciaire. La justice s’intéresse de près aux conditions de nomination d’un membre de sa famille au poste de directeur général des services de la ville de Givors. Explications.

C’est au mois d’août que le parquet financier de Lyon a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire à l’encontre de Martial Passi, le maire de Givors. Depuis le mois de septembre, les enquêteurs de la brigade financière de la PJ ont procédé à l’audition de plusieurs personnes dans l’affaire de la nomination de la sœur de Martial Passi au poste de directrice général des services (DGS) de la commune, la fonction la plus haute que peut occuper un fonctionnaire dans une collectivité locale.

Le parquet financier soupçonne le maire de la ville de prise illégale d’intérêts, de faux et d’usage de faux sur la base de documents transmis à la justice par Mohamed Boudjellaba, conseiller municipal d'opposition à Givors.

La procédure de nomination de la sœur de Martial Passi à la fonction de DGS met en évidence bien plus qu’une simple tentation de règlement de comptes politiques. Consulté par LyonMag, le dossier révèle en effet plusieurs anomalies qui jettent le trouble.

En premier lieu, alors que Muriel Goux, la sœur de Passi, est sa directrice de cabinet à la ville, le maire annonce en juillet 2014 son intention de la nommer au poste de DGS jusqu’à décembre 2014, le temps sans doute de lancer la procédure de recrutement nécessaire pour procéder au recrutement d’un nouveau DGS, le précédent ayant été remercié sine die.

Cette annonce est faite dans le journal interne de la ville à destination du personnel. "Face aux dysfonctionnements parfois graves, aux problèmes récurrents de non réponse à la population et d’absence ou de non respect des procédures dans certains services, j’ai demandé à la directrice de cabinet [Muriel Goux, ndlr.] de prendre en charge jusqu’à la fin de l’année la Direction Générale des services".

Anomalie

Or, première difficulté, le droit administratif proscrit tout cumul de fonction entre la fonction de membre de cabinet et un emploi de fonctionnaire – ce qu’est précisément le DGS d’une ville – au sein d’une collectivité territoriale. "La qualité de collaborateur de cabinet d'une autorité territoriale est incompatible avec l'affectation à un emploi permanent d'une collectivité territoriale" est-il prévu à l’article 2 du décret du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des collectivités territoriales.

Mais, cette disposition ne paraît pas émouvoir la ville de Givors qui persiste et signe. En septembre 2014, Martial Passi va même plus loin. Toujours dans le même journal interne à la ville, il n’est plus question que sa sœur fasse seulement l’intérim au poste de DGS jusqu’en décembre 2014. Tout en annonçant qu’il lance la procédure administrative nécessaire pour tout recrutement de fonctionnaire, Martial Passi annonce sans sourciller qu’à la fin de cette procédure, il nommera sa sœur au poste de DGS.

Procédure viciée ?

"Nous entamons aujourd’hui une nouvelle dynamique que nous devrons mener avec une nouvelle équipe. Le conseil municipal d’octobre sera informé de la fin des emplois de DGS (…). A la fin de la procédure administrative, je nommerai Muriel Goux au poste de DGS" écrit Martial Passi en septembre 2014.

Pourtant, dans l’administration, un poste du niveau de celui de DGS est soumis à un processus strict qui consiste à faire une déclaration de vacance de poste au centre de gestion de la fonction publique territoriale de son département afin de créer un appel à candidature entre plusieurs candidats.

 Dès lors, on ne peut que suspecter une procédure viciée en se fondant sur cette déclaration de Martial Passi qui annonce le lauréat du poste avant même le lancement de la procédure administrative par laquelle doivent passer tous les aspirants au fonction de DGS d’une ville comme Givors.

Après vérification auprès du centre de gestion de la fonction publique pour le département du Rhône, la publicité du poste de DGS pour Givors a été lancée le 27 novembre 2014, soit plus de deux mois et demi après l’édito du maire dans son journal interne.

Jury unanime

Pourtant, Martial Passi a souhaité éviter "tout soupçon de favoritisme" comme il l’a lui-même indiqué lors d’un conseil municipal. Pour éviter la polémique justement, il a fait appel à un cabinet de recrutement extérieur avec un jury composé de trois élus et du maire. "Le jury a reçu trois candidats internes et trois candidats externes. Chacun a disposé d’une heure pour sa présentation et les réponses aux questions des membres du jury. A l’issue, la consultante du cabinet extérieur a établi les comptes rendus d’entretiens. Chaque membre du jury a disposé d’une semaine  pour établir le classement des six candidats reçus. (…) Muriel Goux a  été retenue à l’unanimité du jury, pour ses diplômes, ses compétences et son investissement depuis quatorze ans pour la ville de Givors [Mme Goux est membre du cabinet de son propre frère à la ville depuis 2001, ndlr.)" a détaillé Martial Passi dans une allocution aux membres du conseil municipal.

"Mais c’est une mascarade" s’indigne Mohamed Boudjellaba, l’homme par qui le scandale est arrivé : "ce que Passi oublie de dire c’est que Muriel Goux a travaillé avec ce cabinet extérieur dans le cadre d’autres recrutements.  Comment ce cabinet pourrait être impartial alors qu’il connait Muriel Goux et a même travaillé en amont avec elle" s’interroge le conseiller municipal.

Faux et usage de faux ?

Mais ce n’est pas tout. Car si la justice enquête sur une prise illégale d’intérêts, elle suspecte également des faux et usage de faux.

En effet, l’arrêté de nomination de Muriel Goux au poste de DGS pris le 22 janvier 2015 mentionne l’avis de la commission administrative paritaire qui est obligatoire. Or, ce document n’existe pas.

En effet, à la date de l’arrêté de nomination de sa sœur au poste de DGS, la commission administrative paritaire (CAP) ne s’était pas encore réunie. Dès lors, il ne pouvait y avoir d’avis à cette date. Ce n’est que le 30 mars 2015 que la CAP a donné son avis sur le recrutement de Muriel Goux.

Martial Passi, sous la pression incessante de Mohamed Boudjellaba, qui n’a cessé de réclamer la communication de cet avis, est contraint, le 30 avril 2015, de prendre un arrêté pour annuler l’arrêté de nomination du 22 janvier jugé "illégal". Mais dans la foulée, le même jour que l’arrêté d’annulation, soit le 30 avril 2015, il prend un nouvel arrêté de nomination de Muriel Goux au poste de DGS en mentionnant bien cette fois l’avis de la CAP daté du 30 mars 2015. Ubuesque.

Slim Mazni

Sollicité, Martial Passi n’a pas souhaité répondre directement à nos questions. Il nous a fait parvenir un courrier dans lequel il mentionne la mise en place d’un jury de recrutement, de même que les explications qu’il a données à son conseil municipal. Eléments portés à la connaissance de nos lecteurs dans le cadre de cet article.

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LOAD1 le 01/12/2015 à 16:43

Gauche, droite, extrême droite, extrême gauche, la soupe est bonne à partir du moment où on est élu !!! HJonteux

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