Florence Aubenas veut libérer la parole à la prison de Corbas

Florence Aubenas veut libérer la parole à la prison de Corbas

L’ancienne otage détenue en Irak tenait jeudi matin une conférence de presse devant la prison de Corbas, au titre de présidente de l’Observatoire International des Prisons. Alors qu’elle tiendra un débat public le 11 décembre prochain à Lyon pour « la libération de la parole détenue par les murs des prisons », la journaliste s’inquiète de l’état lamentable du dialogue dans l’établissement, en particulier dans le rapport détenus / personnel pénitentiaire.

Lyon Mag : Concrètement, en matière de communication, qu’est ce qu’il se passe dans cette prison à Corbas ?
Florence Aubenas :
C’est rare de faire une conférence de presse pour dire qu’on ne sait pas ce qu’il se passe. Normalement, c’est l’inverse. Il y a 690 détenus dans cette prison, et nous ne savons pas ce qu’il s’y passe. La parole est empêchée. Les détenus, les intervenants, les familles, toutes les personnes qui participent à la vie de cet établissement ne peuvent pas faire entendre librement ce qu’ils ont à en dire. Quand quelqu’un veut s’exprimer, on lui oppose une sanction. Et cela n’est pas possible dans une démocratie. On fait passer aux personnes des mois derrières ces murs, où l’arbitraire et la loi du plus fort règnent. On ne peut pas leur demander à leur sortie d’être des braves citoyens. La citoyenneté, c’est aussi à l’intérieur de la prison qu’on l’apprend.

Les détenus s’expriment par la violence ?

Un détenu qui voudrait remettre en cause ses conditions de détention, pour des raisons de cohabitation en cellule, a beaucoup de mal à se faire entendre. Il a du mal à ce que sa parole soit prise en compte par l’administration pénitentiaire. Souvent, la seule manière de s’exprimer, c’est de mettre le pied dans la porte. Cela peut être ne pas rentrer après la promenade, faire des mouvements protestation, et s’exprimer non pas par les mots, mais par les gestes. Cela est interprété comme de la violence. La seule réponse opposée, c’est la sanction, la discipline, la punition. Je pense qu’il faut commencer par s’écouter les uns les autres, pour que les détenus puissent exprimer ce qu’ils ont à dire. Cele n’est pas du ressort de l’indiscipline. C’est un libre accès dans la parole dans la démocratie.

Cet état de fait n’est-il pas du à l’automatisation du bâtiment, qui restreint le contact humain ?

C’est tout à fait autre chose. Il s’agit de la liberté d’expression en prison. Et elle ne passe pas forcément par la création d’associations de détenus. C’est davantage de dialogue, d’expression. Prenez un détenu qui mentionne un problème, aussi anecdotique soit il, sur les menus de la cantine. C’est loin de rentrer dans le cadre d’une revendication politique, et pourtant il ne sera pas entendu. Il faut commencer par s’écouter, se comprendre, et arrêter de réagir par la violence. Dans les prisons de France, depuis 2008, nous avons 36% d’augmentation de violences contre les surveillants. Nous avons le taux d’Europe le plus fort en suicide.  Il y a d’autres moyens de se faire entendre que des actes violents contre les autres ou contre soit même.

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